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La France sera une victime lors de la prochaine crise

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Loin de se résorber, le déficit de notre balance commerciale stagne, preuve que nos entreprises n’ont pas renoué avec la compétitivité. Or, malgré le bouclier de la zone euro, c’est un facteur de fragilité majeur.

Dans son projet de budget pour 2016, le gouvernement prévoit que la balance commerciale de la France sera déficitaire de 40,3 milliards d’euros contre 40,5 milliards cette année. Le déficit français (1,8 % du PIB), qui se range parmi les plus importants de la zone euro, ne se résorbe pas. Il a reculé en 2014 et 2015, mais uniquement à cause de la chute des prix du pétrole ; hors effet baril, il a tendance à se creuser.

Tous les « efforts » que le gouvernement fait en faveur de l’économie de l’offre, le Cice, le pacte de responsabilité, les aides aux PME, etc., devraient un jour se traduire par des embauches. Telle est l’ambition affichée, celle de la lutte contre le chômage. Mais, en attendant que cette courbe s’inverse, la politique de l’offre devrait conduire plus certainement à un regain de compétitivité des produits français, à une reconquête des parts de marché et à une réduction du déficit de la balance commerciale. Ce n’est pas le cas.

La balance courante de la France (qui, outre le commerce des biens, comprend celui des services et des capitaux) s’est dégradée en 2014. Le déficit a été de 19,7 milliards d’euros, soit 0,9 % du PIB, contre 17,1 milliards en 2013. La France a besoin des apports de capitaux étrangers. Cette fragilité est fondamentale.
Les résultats de la politique économique du gouvernement ne se voient pas encore sur le chômage, mais la reprise devrait marquer une inflexion vers la fin de l’année. En revanche, le pays n’est toujours pas sur le bon chemin concernant la balance des comptes extérieurs.

Les interrogations sur le pourquoi de cette impuissance sont nombreuses : l’insuffisance ou pas des efforts faits, la « confiance » rompue avec le monde de l’entreprise, la lenteur de montée en gamme des industriels, les défaillances du capitalisme français à l’exportation… Nous voudrions, ici, insister sur les conséquences.

La croyance du gouvernement comme celle de l’administration est que ce déficit extérieur ne compte plus. Hier, il fallait être à l’équilibre pour ne pas être poussé à la dévaluation du franc, mais l’euro nous a fait entrer dans une nouvelle ère. La monnaie commune a été précisément faite pour ça. On ne mesure pas les déficits extérieurs de l’Arizona ou de la Floride, il en est de même désormais dans la zone euro.

Une très instructive enquête du site internet Vox  auprès d’une vingtaine d’économistes internationaux sur l’origine de la crise en Europe de 2008 vient démontrer le contraire. Cette crise a été dénommée à tort « crise des dettes souveraines » à la suite des révélations sur les statistiques d’endettement de la Grèce.

Mais l’étude de Vox revisite les causes. Contrairement à ce qu’on a cru, l’origine n’a pas été les déficits budgétaires excessifs mais les déficits courants. La crise des « dettes » n’est venue que dans un deuxième temps.

Le point de départ est que tous les pays en difficulté, ceux du GIIPS, (Grèce, Irlande, Italie, Portugal, Espagne), avaient tous, avant le déclenchement de l’affaire Lehman Brothers, un déficit important de leur balance courante. De 1999, date de la création de l’euro, à 2007, date de la chute, le déficit cumulé va de 96 % du PIB au Portugal à 8 % pour l’Italie. La France à l’époque vit encore sur un surplus cumulé de 6 %.

Le déficit budgétaire n’est pas le déclencheur. Tous les pays européens sont en déficit des comptes publics avant 2007, y compris l’Allemagne, tous mais ni l’Espagne ni l’Irlande, ce qui pourtant n’empêchera pas ces deux pays d’être emportés. L’autre « explication » souvent avancée à la crise, l’explosion des prêts des banques comme en Irlande, n’est pas plus solide : l’Autriche, qui a vu le bilan de ses banques multiplié par trois, a résisté parfaitement.

La Belgique, malgré un ratio d’endettement massif de l’État (92 %) et de ses banques (4 fois le PIB), s’en sort indemne parce que, globalement, elle n’a pas besoin de capitaux étrangers.

Le mécanisme de la crise est un classique « sudden stop ». Les capitaux qui allaient schématiquement du centre de l’Europe vers la périphérie prennent peur à cause de Lehman, les flux se bloquent brutalement. Daniel Gros, économiste du Center for European Public Studies, explique le déroulement : « Les gouvernements doivent assumer les dettes privées, les recettes s’atrophient, la crise se transforme en crise de dette souveraine. Le système bancaire très important et étroitement lié aux Etats dans chaque pays membre rend la crise systémique. »

Le déficit des échanges courants, à commencer par le déficit commercial, demeure donc, malgré le bouclier de l’euro, le premier facteur de fragilité. Il est le signe que l’économie n’est pas sur un modèle stable de croissance. Tel est le cas de la France.

L’importance des déséquilibres disparaîtra le jour où l’Europe se sera dotée de mécanismes qui, soit éviteront la « peur des capitaux », comme aux États-Unis, soit la compenseront par des renflouements publics communautaires. Des premiers pas ont été faits, mais la zone euro reste largement loin du but d’être autant intégrée que son homologue américaine.

La France espère qu’un jour ses efforts d’économie de l’offre finiront par payer. Mais les chiffres montrent qu’elle est en position fragile et qu’elle sera parmi les prochaines victimes en cas de choc (par exemple lors de la remontée annoncée des taux). Il lui faut vite compléter sa politique économique de deux façons. Renforcer sa politique de compétitivité et, parallèlement, militer activement pour compléter d’urgence les mécanismes fédérateurs européens.

Les Échos


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